LYDIA : « Luke... Luke bouge c'est mon casier... »

Adossé contre les casiers de métal, le jeune homme ne prenait pas la peine de bouger malgré les bras frêles de la demoiselle venant le tirer par la manche avec force, un léger sourire amusé aux lèvres sous le regard exaspéré de la jeune fille. Peu coopérant, Luke se contenta de rouler une cigarette entre ses doigts fins, son regard sombre posé sur le tabac posé délicatement dans la fine feuille blanche recourbée, ignorant les gestes de la jeune fille s'évertuant à vouloir le faire bouger. Enfin, Lydia lui lança un regard noir furibond avant de taper son pied sur le sol, tournant alors les talons non sans râler quelques peu comme le jeune homme posa sa cigarette au coin des lèvres avant de tourner ses yeux sombres sur une silhouette se profilant au loin. Il reconnut alors furtivement Jerrika, meilleure amie de Keelwyn et accessoirement son intrument de vengeance quant à cette dernière, néanmoins le visage de Luke demeura neutre à la vue de la demoiselle entrant dans la bibliothèque, sortant dès lors un briquet de sa poche. Une fumée s'échappa de ses lèvres tandis que fier et arrogant, Santori se redressa à la vue d'un groupe de personnes marchant vers sa direction. Un sourire, et le jeune homme posa sa main sur la hanche d'une jolie blonde qu'il connaissait à peine mais qui se mit à glousser alors que la petite troupe reprit son chemin, cette fois accompagnée du petit prince de Yale qui ce soir préparait un mauvais coup. Une fête donnée illégalement dans la salle des fêtes de l'université qui sans doute allait durer jusqu'au petit matin. Vu l'heure avancée néanmoins, il était fort probable que les jeunes gens tomberaient très rapidement dans les délices de l'alcool et auraient bien vite les esprits échauffés... sans doute ne resterait-il aucun d'entre eux d'encore sombre aux alentours de vingt-deux voire vingt-trois heures, mais visiblement les jeunes insouciants s'en fichaient éperduement. Santori avait donc eu l'idée d'une fête illicite ce soir là, ne redoutant ni les dégradations, ni ne se souciant d'une quelconque responsabilité qu'il se devait d'endosser. Véritablement irresponsable, et sachant que son illustre nom lui permettait d'échapper à un renvoi potentiel, il avait donc invité de nombreux "amis", tous gosses de riches et imbus d'eux-même, sans compter des divines créatures aux longues jambes. Ce fut donc de bonne humeur que la petite troupe se dirigea vers la salle des fêtes, déjà emplie de monde et d'une musique assourdissante ; des danseuses lascives sur les podiums s'agitaient sous les encouragements des machos enthousiastes, une fontaine à champagne avait été installée ; rien ne manquait à l'appel pour passer une délicieuse soirée. Les heures passèrent ainsi pour Luke, un verre toujours en mains, de jolies jeunes femmes à ses côtés dont il ignorait jusqu'au prénom, mais peu importait. L'horloge murale afficha non loin de vingt-trois heures lorsqu'un des camarades de Luke s'approcha de ce dernier ; tous deux, comme tous les autres présents par ailleurs, avaient l'esprit embrumé par l'alcool.

JUAN : « Hey... elle est pas là la belle rousse ? Tu sais, corps parfait, jambes interminables. »
LUKE. - : « Jerrika. » murmura-t-il de sa voix suave dans un sourire sombre.
JUAN : « Peut-être, j'ai pas besoin de son nom pour l'amener dans ma chambre. »
LUKE. - : « Je vais la chercher. »

Juan vacilla un instant sous l'effet de l'alcool avant de tapoter amicalement l'épaule de Luke dans un signe de remerciement. Croyez-vous cependant que notre cher héritier s'évertuerait à aller chercher la demoiselle simplement pour rendre service à son camarade ? Certes pas, au contraire c'était bel et bien pour sa propre personne qu'il souhaitait rameuter la belle Jerrika que Juan avait dès lors rappelé à ses souvenirs. L'esprit embrumé par l'alcool, se sentant ailleurs alors qu'il se savait bien présent et voyant légèrement trouble après s'être descendu une bonne bouteille de vodka, Luke sortit dès lors de la salle des fêtes bruyante et embrumée par la fumée grisâtre des cigarettes et autres substances illicites. Portant sur lui un costume sobre mettant en évidence son charisme écrasant, Luke gardait pour lui cette classe certaine et son côté attirant même avec un taux d'alcool dans le sang un peu trop élevé. Se rappelant vaguement avoir aperçu Jerrika s'engouffrer dans la bibliothèque quelques heures auparavant, Luke y entra alors à son tour, avec tout de même peu de chances de retrouver la jeune fille malgré l'heure tardive. Enfin il aperçut la silhouette de la jeune fille penchée sur son livre, ne se gênant dès lors pas pour s'asseoir face à elle, fermant alors d'une main le bouquin grand ouvert de la demoiselle. C'est alors que malgré son apparence sobre, son sourire sombre et son regard ténébreux, il lui murmura d'une voix suave des propos quelque peu crus, témoignant du fait que le jeune homme était déjà quelque peu saoul.

LUKE. - : « Jolie Jerrika... Pourquoi t'ennuyer avec ça... Cap ou pas cap de t'envoyer en l'air avec moi dans la bibliothèque ? »

Santori lui sourit alors, gardant tout de même son charisme sombre et attirant, malgré les mots explicites qu'il avait murmuré... Après tout depuis tout ce temps passé auprès de la jeune fille pour tenter d'en faire une "amie proche", elle pouvait tout de même prendre l'état légèrement saoul de Luke avec suffisament de recul pour ne pas l'envoyer balader... enfin peut-être.

Face au sérieux de la jeune fille, Luke ne put s'empêcher de réprimer un divin sourire. Néanmoins personne n'ignorait qu'un Luke sobre n'avait déjà pas sa langue dans sa poche, mais un Luke déjà saoulé au champagne demeurait dix fois pire. Ce soir donc, il n'épargnerait certainement pas Jerrika dans sa franchise, et par ailleurs il ne s'était déjà pas gêné pour lui faire comprendre qu'il la désirait dans l'instant. Cependant Luke gardait encore pour lui sa conscience malgré les effluves de l'alcool, et quelque part au fond de lui il savait pertinemment qu'il se devait d'y aller doucement avec la jeune fille pour ne pas la froisser. Se rapprocher de Jerrika pour faire enrager Keelwyn demeurait l'idée du siècle, l'avoir dans son lit encore plus, et il n'était pas à nier que Schweitzer était délicieuse. La belle soupira sous l'attitude du jeune homme qui ne changerait jamais, arquant dès lors un sourcil avant de lui répondre doucement.

— Et toi mon coeur ? Cap ou pas cap d'être amoureux d'une fille et pas uniquement de ses jolies fesses ?

Cette fois ce fut l'alcool qui prit le dessus sur son attitude habituellement posée et sombre ; Luke réprima un léger rire amusé avant de se redresser, posant son dos contre la chaise de bois sans jamais quitter la belle des yeux. S'il avait été en état d'évoquer correctement toutes les pensées lui traversant l'esprit, le jeune héritier lui aurait rétorqué ce qu'il pensait vraiment des sentiments. Être amoureux n'était que factice ; c'était les ébats d'une première nuit suivie de beaucoup d'autres, beaucoup moins jouissives, c'était ne plus rien avoir à se dire au fil du temps, l'envie de se détacher et de rester ensemble quand même sans savoir pourquoi, par facilité sans doute, aller voir ailleurs pour tester la meilleure amie mais demeurer avec l'autre, et puis plus rien... Souffrir. Le sentiment amoureux ne conduisait à rien sinon à un ennui mortel. Santori n'avait jamais eu d'attaches, il n'avait jamais sentit son coeur bondir contre sa poitrine à la vue d'une demoiselle, à quoi bon après tout. Par ailleurs c'était presque surprenant d'entendre ces mots s'échapper des lèvres de Jerrika, elle qui auparavant ne valait pas mieux que lui au niveau des attaches sentimentales inexistantes. Alors soit, ils ne feraient sans doute pas l'amour sauvagement entre deux étagères -et en vérité Luke s'était tout de même fortement attendu à ce que la demoiselle refuse, après tout il était passé maître en art de la provocation- , mais ils partiraient sans doute dans une conversation à laquelle Santori n'avait jamais participé ; un débat sur l'écoeurant sentiment amoureux. Lui qui souhaitait ramener la jeune fille à la fête, voilà qu'il avait oublié ce qu'il était venu faire ici.

LUKE. - : « Je t'en prie douce J., personne ne tombe amoureux de personne dans notre monde à nous, c'est tellement... pathétique. Et si tu veux tout savoir, je ne peux pas tomber amoureux simplement parce que tout le monde me hait. J'aime avoir des retours. »

Le jeune héritier avait répondu de sa voix suave et basse, ce sourire toujours aux lèvres. Etrangement, derrière ses paroles légèrement touchantes, aucune peine, aucune tristesse ne s'y logeait. C'était la vérité, et elle ne le dérangeait pas, Luke s'en accomodait. Il demeurait le pire salaud de toute l'université, le jeune homme le plus influent et populaire également , il agaçait, on l'exécrait pour les coups bas qu'il s'amusait à faire. Peu lui importait au final, Santori s'en fichait éperduement, s'il n'avait aucun ami véritable hormis Ryden, il avait pour lui la richesse, le charme, et l'avenir assuré, alors au diable les autres. C'est alors que sa voix s'éleva de nouveau dans un murmure, profilant quelques paroles qui avaient tout d'un jeune homme ayant bu trop de champagne.

LUKE. - : « Mais je te promets que tu serais celle pour qui j'aurai des sentiments, si je le pouvais. » Pourquoi avait-il dit cela, aucune idée. Juste un pur délir de son esprit embrumé murmuré dans un sourire charmeur sans vraiment savoir ce qu'il racontait. « Et toi... je te retourne la question. »

Il ne savait plus vraiment ce qu'il faisait ici ni même ce qu'il racontait, les effluves du champagne lui montaient bien trop à la tête pour qu'il ne se trouve tout à fait sobre. Pourtant Luke avait encore plus ou moins conscience de ce qu'il faisait ; en l'instant il ne se gênait pas pour faire des avances à la jeune fille, essuyant alors un refus chaleureux malgré ses paroles un peu crues. Les mots s'échappaient d'eux même de ses lèvres sans qu'il ne puisse vraiment réfléchir à ce qu'il racontait ; habituellement déjà Luke n'avait pas la langue dans sa poche, étant du genre à blesser par des pics cinglants ou bien à y aller bien trop cruement avec les demoiselles, saoulé au champagne cela demeurait bien pire encore car le jeune homme répondait du tac-au-tac sans vraiment réfléchir à d'éventuelles manipulations qui assaillaient bien trop souvent son cerveau. S'il était vrai que Santori ne faisait aucun effort en cours, payant d'autres étudiants afin de lui rédiger les meilleurs devoirs possibles, il était faux d'affirmer que le jeune homme était un cancre. au contraire il demeurait rusé et fortement calculateur, seulement il préférait de loin la fête aux études, et se plonger tranquillement dans un livre était loin d'être son fort, contrairement à la jeune fille lui faisant face. Bien évidement, il gardait pour lui ce sourire séduisant allant de paire avec ses avances directes, Santori ne disait jamais non à une paire de longues jambes, et il fallait avouer que cette idée ne faisait que lui trotter en tête : glisser Jerrika dans son lit afin d'attiser la jalousie et la colère de Keelwyn. En outre Santori n'abandonnait jamais la partie, il demeurait de ceux qui finissaient par avoir ce qu'ils voulaient, bien que ce soir la douce Jerrika semblait plus que jamais décidée à ne lui essuyer que des refus. Cela n'empêcha pas pourtant le jeune garçon à demeurer -pour une fois- des plus sincères et à lui affirmer que bien trop de personnes nourrissaient envers lui une haine farouche pour qu'il ne ressente vraiment quelques sentiments nobles. Si elle, avait aimé, et pour bien plus d'une nuit comme elle le lui avait souligné, lui au contraire ne s'était jamais lancé dans une aventure sérieuse et préférait courtiser les demoiselles pour quelques parties de plaisir dans son lit. Cela s'arrêtait là, et visiblement ce n'était guère en voie de changer car Luke se refusait à s'impliquer bien plus. Autant au niveau de l'amour que de l'amitié, trop égoïste pour penser aux autres, le monde ne tournait qu'autour de lui et il demeurait ainsi une personne détestable, tiraillé cependant de l'intérieur sans qu'il ne le montre à quiconque. Il ne répondit pas sur l'aveu de Jerrika, à vrai dire il ne s'intéressait guère à la vie des autres et ne lui avait posé la question que par pure provocation amusée. Qu'est-ce que cela aurait changé qu'elle ne lui réponde par la négative ou non, au final... Joueur, Luke aurait sans doute préféré qu'elle ne réponde par quelques paroles provocantes ou cinglantes, mais la belle demeurait bien trop douce. C'est alors qu'ele avança une main afin de lui caresser la joue, et dans un réflexe vif, le jeune garçon eut un mouvement de recul dans une moue presque exaspérée. Il ne connaissait pas la douceur, ni la tendresse, et il n'en voulait pas, du moins c'était ce dont il était persuadé.

— Et c'est pas vrai que tout le monde te détestes Luke. Moi je t'aime bien lorsque t'est un peu plus sobre et que tu fait moins l'idiot.

LUKE. - : « Tu es trop naïve. »

Le jeune héritier lui avait répondu avec un peu trop de tranchant, à deux doigts de lui avouer alors qu'il se servait d'elle pour toucher Keelwyn. Néanmoins son esprit manipulateur pas encore assez saoulé aux effluves de l'alcool pour se laisser aller à une telle vérité, lui somma de se taire alors qu'il se massa les tempes afin de faire passer son mal de tête naissant. Dans la réponse de Luke néanmoins, l'on pouvait ressentir cet avertissement amer. Dans un bref soupir, il reposa son regard sombre sur la demoiselle avant de rétorquer dans un sourire en coin redevenu un peu trop sombre, trahissant son état de tristesse passagère.

LUKE. - : « Qu'est-ce que j'en ai à faire d'être aimé ou détesté, j'ai tout ce que je désire, je me fiche bien des autres. » Une légère pause, plongé dans sa réflexion torturée il était faux d'avouer que Luke avait vraiment tout ce qu'il désirait. Pas de parents présents, une seule amie véritable, des filles de passage... Reprenant son rictus ténébreux il rétorqua enfin. « Laisse tomber tes révisions. Je te raccompagne à ta chambre. »

Certes il manquait amplement de tact, pire encore si Luke avait été entièrement sobre il aurait sans doute tenté d'appitoyer Jerrika sur son sort afin de l'attirer dans ses filets. Mais cette nuit l'alcool parlait pour lui.